Vendredi soir au théâtre des Dames, la Cie Jugaad jouait "Les Cabots magnifiques" pour les enfants accueillis à Ourika Tadamoune
Eh paf !
C'est une réplique récurrente et d'une certaine manière fondatrice de cette pièce "Les Cabots magnifiques". En premier cette réplique concerne le bruit d'une porte qui claque la nuit, et importune un vieil acteur qui se trouve en maison de retraite ; ce dernier attribue cette nuisance à un ex-collègue acteur résidant de la chambre d'à côté. Thierry Debroux, l'auteur de cette pièce, introduit plus tard dans le cours de sa pièce, une profondeur à la réplique en faisant exprimer à ce même personnage victime de la nuisance de son voisin que c'est bien plus la réminiscence d'une douleur amoureuse symbolisée dans cette phrase claquante qui accapare son mental la nuit. Ce qui habilement fait comprendre au spectateur que cette histoire de porte qui claque c'est une obsession mentale qui travaille les insomnies de ce vieil acteur. Et paf, pourrait-on écrire, c'est toute la trame fondamentale de cette pièce qui se décale du premier degré, des scènes comiques d'affrontements entre les vieux acteurs sur les non-dits de leurs passés de comédiens, au second degré de la condition des troubles psychologiques qu'assaillent les métamorphoses de leurs mémoires. En effet, l'auteur a su offrir aux interprètes de sa pièce l'occasion d'ouvrir de multiples champs du réel, brouillant les pistes de l'écoute du spectateur, tantôt c'est la souffleuse qui au premier plan, comme une voie intérieure, interpelle les acteurs et même le public, tantôt ce sont les anciens comédiens qui bien que se refusant à se prêter à des animations de maison de retraite acceptent - mais l'acceptent-ils vraiment ?- d'entonner une chanson et de jouer des scènes de Don juan qui déplacent la sacro-sainte unité de lieu du théâtre en un décor de vieux théatre délabré où jadis l'animatrice de la maison de retraite avait échoué à un concours d'entrée au Conservatoire. Le décalage est à son comble lorsque l'auteur nous laisse comprendre que ce que l'on voit sous nos yeux n'est pas le réel mais la seule mobilité intérieure de la mémoire d'une résidente de la maison de retraite - elle-même ancienne actrice et, on le comprend au fil de la pièce, sujette à beaucoup de convoitises amoureuses - atteinte d'un quasi mutisme et de prostration. Et paf, celle-ci qui n'avait fait que trottiner d'un bout de la scène à l'autre, ou même séjourner silencieuse sur un tabouret se met à nous parler.
Un grand merci à cet auteur, qui a monté, comme un escalier aux marches incessantes, des répliques qui fusent à tous moments, pour nous donner accès à un plateau théatral qui n'est plus une comédie, mais une invitation à la méditation sur l'impact des blessures psychologiques de nos vies. Cette montée est le finish de cette pièce où la fille tant attendue par le vieil acteur arrive enfin, mais ce père encore des plus alertes dans cette maison de retraite il y a quelques temps, a sombré dans la distance de son mutisme sans même un regard pour cette fille.
Et paf ! on a glissé de la comédie à la tragédie.
Nous, Ourika Solidaire, remercions vivement la Cie Jugaad, pour l'aide financière des recettes de ce spectacle qu'elle attribue aux enfants et jeunes adultes en situation de handicap de la Vallée de l'Ourika.
Nos deux structures Jugaad et Ourika sont ponts-de-céaises, nous aimons annuellement, nous associer autour d'une soirée au Théâtre des Dames.
Et paf, ça va continuer...
Les acteurs de gauche à droite : Nathalie, Arnaud, Stéphane, Sandra, Claude, Cécile
La metteuse en scène Fabienne Bourget. Bravo à vous tous.